La préparation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 fournit une opportunité originale d'explorer les dynamiques subreptices et contradictoires du «risque de laisser les personnes décider de leur vie» (Andrien and Sarrazin, 2022). En effet, le Comité d'Organisation des JOP, l'Etat et les collectivités territoriales portent actuellement des dispositifs à destination des établissements et services sociaux, médico-sociaux et sanitaires (ESSMS), dont le programme national « Handicap et volontariat », visant à recruter des volontaires en situation de handicap pour les JOP. Ce programme constitue un «event-themed leverage» (Smith, 2014), un levier en faveur de priorités autres que celles de la livraison du méga-événement, ici l'inclusion.
Pourtant, Darcy affirme que les transformations sociales ne sont pas portées par les JOP, mais par les personnes en situation de handicap et les organisations les représentant (2003) : elles imposent une adaptation du modèle aux vulnérabilités. Ainsi, nous proposons d'analyser ce programme à l'aune de l'intégrité du processus de care (Tronto et al., 2009), éthique qui postule que tout être humain, aidé ou aidant, sera vulnérable mais également « bricoleur » d'une « bonne vie » (Mol et al., 2009) au niveau individuel. Bricoler, c'est-à-dire se débrouiller avec ce qui est à portée de main, correspond également à un idéal-type organisationnel (Duymedjian and Rüling, 2010), qui serait apte à dépasser les contraintes. Il reste alors à savoir dans quelle mesure ce bricolage organisationnel favorise effectivement un continuum entre la spécificité de la personne et son droit au volontariat alors que les méga-événements sont désignés comme ayant atteint un seuil critique en matière de soutenabilité sociale et environnementale (Armbrecht et al., 2019).
S'appuyant sur le suivi longitudinal du programme depuis Septembre 2021, aux niveaux inter-organisationnel et organisationnel, notre recherche-action éclaire deux postures paradoxales des ESSMS : « ce ne sera pas gérable ». Tout d'abord, les ESSMS engagés n'ont proposé le volontariat qu'à certains profils, tout en dénonçant une compétitivité créatrice d'inégalités. Deuxièmement, les ESSMS demandent des adaptations substantielles du programme, au risque d'être accusés de sous-estimer les candidats. Ainsi, dans un «event-themed leverage» (Smith, 2014) aux priorités questionnables, nous montrerons que les détournements palliatifs (Duymedjian and Rüling, 2010) des ESSMS ne permettent pas, voire nuisent au respect des phases du care (Tronto et al., 2009), en particulier celle de la concertation avec les premiers concernés.
Armbrecht, J., Lundberg, E., Andersson, T.D., 2019. A Research Agenda for Event Management. Edward Elgar Publishing.
Andrien, L., Sarrazin, C., 2022. Handicap, pour une révolution participative.La nécessaire transformation du secteur médico-social., Erès. ed, Connaissances de la diversité.
Darcy, S., 2003. The politics of disability and access: the Sydney 2000 Games experience. Disability & Society 18, 737–757. https://doi.org/10.1080/0968759032000119497
Duymedjian, R., Rüling, C.-C., 2010. Towards a Foundation of Bricolage in Organization and Management Theory. Organization Studies 31, 133–151. https://doi.org/10.1177/0170840609347051
Mol, A., Debauche, M., Debauche, C., 2009. Ce que soigner veut dire: repenser le libre choix du patient. Presses des mines, Paris, France.
Smith, A., 2014. Leveraging sport mega-events: new model or convenient justification? Journal of Policy Research in Tourism, Leisure and Events 6, 15–30. https://doi.org/10.1080/19407963.2013.823976
Tronto, J.C., Maury, H., Tronto, J.C.P., Mozère, L.P., 2009. Un monde vulnérable: pour une politique du care. Éditions la Découverte, Paris, France.