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Protection, autonomie, émancipation: une alliance (im)possible ?

 

Cette nouvelle édition des conférences d’ALTER propose d’examiner les dynamiques entre des formes diverses de protection et de pratiques visant à promouvoir l’autonomie et l’inclusion des personnes en situation de handicap, à l’aune de leur potentiel d’émancipation ou d’oppression (Fraser, 2017).

Cadre. Le présent appel à communications s’inscrit dans le cadre de la rencontre annuelle de la société Alter –European Society for Disability Research/Société Européenne de Recherche sur le Handicap (http://alter-asso.org). La Conférence se tiendra les jeudi 29 et vendredi 30 juin 2023 au Centre des colloques du Campus Condorcet, à Aubervilliers (France), et sera accueillie par l’équipe du programme Handicap & Sociétés de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) (http://phs.ehess.fr/en partenariat avec le Programme Prioritaire de Recherche (PPR) sur l’autonomie.

Public. Cet appel à communications s’adresse à tou.te.s les chercheur.e.s - « juniors » ou « seniors » - en sciences humaines et sociales qui travaillent dans le champ du handicap ou sur des questions connexes telles que la santé mentale ou la perte d’autonomie, ainsi qu’à tout public concerné directement par le handicap et s’inscrivant dans une démarche de recherche participative. Sans être limitatives, les disciplines particulièrement visées sont la sociologie, l’anthropologie, l'histoire, la philosophie, la psychologie, les sciences de l'éducation, le droit et la science politique.

Langues de la conférence. Les participant.e.s sont invité.e.s à s’exprimer en anglais, en français, en langue des signes française (LSF).  

Contextualisation. Au cours des dernières décennies, les politiques de protection sociale impulsées par les États-providence à l’attention des personnes handicapées sont tombées sous le coup d’une double critique. La première vient des personnes handicapées elles-mêmes.  Dénonçant un système ancré dans des rapports de domination paternalistes qui entretient leur dépendance, les maintient dans un rôle passif en favorisant leur ségrégation et leur oppression, elles se mobilisent, dans les années 1970, en un vaste mouvement pour l’adoption d’une politique anti-discriminatoire fondée sur les droits humains. A l’aube du 21ème siècle, ce sont les politiques d’activation qui mettent à mal les protections sociales. S’opposant à une logique d’assistance, censée affaiblir les individus, elles leur substituent une logique de contractualisation individuelle et d’obligations réciproques (Bonvin, 2008). La mission que se donne l’État n’est plus de protéger les individus, mais de restaurer leur capacité de choix et d’action, leur autonomie individuelle. Ces deux lignes de critique convergent en faveur d’un traitement du handicap fondé sur les droits humains, rejetant du côté de l’oppression les politiques sociales à visée protectrices. La doctrine inclusive est en marche. Elle s’énonce au travers de nombreux textes réglementaires et se traduit à toutes les échelles territoriales en une myriade de dispositifs cherchant à promouvoir la pleine participation des personnes handicapées et leur autodétermination. Elle s'affirme également dans la revendication d'abolition des systèmes légaux de prise de décision substitutive (comme les tutelles/curatelles ou les soins forcés) ou encore des dispositions pénalement protectrices comme l'irresponsabilité pénale.

Ces transformations semblent bien, comme le suggère Jean-Louis Genard (2009), marquer le passage d’une « anthropologie disjonctive » fondée sur la distinction et l’exclusion mutuelle de l’autonomie et de la dépendance, et un strict partage des êtres entre « capables » et « incapables », à une « anthropologie conjonctive » qui place la « vulnérabilité » au cœur de l’expérience humaine et tout un chacun sur un continuum, à la fois capable d’autonomie et inscrit dans des relations de dépendance. Vulnérabilité ontologique assortie de capacités de résilience qui, si elle ouvre la voie, dans les théories du care, à la reconnaissance de formes de protections émancipatrices, peut se traduire, dans les politiques d’activation, par de nouvelles formes d’oppression associées à une exigence de responsabilité et de capacitation. L'augmentation paradoxale du recours à des mesures de contrainte légale, aussi bien sur le plan civil que pénal, constitue de fait un révélateur de ces risques de nouvelle aliénation. 

Dans les faits, plus qu’une refonte des politiques du handicap, c’est une sorte d’hybridation qui s’observe dans la plupart des pays européens, de nouveaux instruments politiques, inspirés du répertoire des droits, venant s'ajouter aux protections sociales des États-Providence (Waddington & Diller, 2002). Le domaine du travail peut ainsi conjuguer une politique des quotas, des formes de travail protégé et des mesures antidiscriminatoires ; la lente accessibilisation des transports en commun ne semble pas affecter l’usage des transports spécialisés et, si de plus en plus d’élèves en situation de handicap sont accueillis dans les école ordinaires, le nombre des élèves en établissement spécialisé ne diminuent pas, dans certains pays du moins. Parfois considérées comme contradictoires ou ambivalentes, les articulations entre mesures de protections et mesures anti-discriminatoires gagneraient à être analysées dans les manières dont elles se conjuguent pour favoriser l’émancipation contre toutes formes d’oppression qu’elles émanent de protections sociales ou de mesures d’activation.  L’enjeu étant la réappropriation d’une protection sociale définie par des objectifs démocratiques donc participatifs, non hiérarchiques donc non oppressifs (Fraser, 2017)

Périmètre. Traditionnellement associée aux politiques publiques, les formes de protections sociales en débordent largement le champ pour s’incarner au travers d’une diversité de dispositifs et d’instruments. Elles peuvent être issues d’interventions de l’État et instituées (reconnaissance administrative d’un besoin, par ex.) ou issues de solidarités communautaires et informelles (aide quotidienne apportée par un proche) ; matérielles (compensations financières), symboliques (ressources identitaires) ou relationnelles (appartenance à un collectif), individualisées ou partagées. Elles se déclinent à différentes échelles : locales (lieu de résidence, famille), dans la sphère privée, comme dans l’espace public et dans tous les domaines de la vie. Quelles que soient les formes de protections étudiées, les communications les aborderont en cherchant à mettre à jour ce qu’elles promeuvent ou entravent en termes d’autonomie, de droits humains, d’inclusion, d’émancipation…

Dans ce sens, la 11ème Conférence d’Alter accueille des communications qui traitent, à partir d’une perspective théorique ou empirique, de l’un ou de plusieurs des axes suivants, sans exclusive :

1. Concepts et enjeux

Entre dans cet axe toute analyse théorique ou empirique susceptible d’éclairer les manières d’articuler les notions de protection, de droits humains et d’émancipation à d’autres, connexes, comme celles d’inclusion, d’autonomie, de participation, d’autodétermination, de besoins, de care, d’oppression… Ces articulations pourront combiner différentes échelles et instruments (Traités internationaux, directives européenne, politiques nationales, interventions des Etats, de collectifs locaux et familiaux…).

2. Variations dans l'histoire et entre espaces géographiques

Entre dans cet axe toute analyse socio-historique et/ou comparative des modes d’articulation entre protections et droits humains à destination des personnes en situation de handicap, favorisant ou entravant leur émancipation, de leurs transformations et leurs effets.

3. Vers des formes de protections émancipatrices

Entrent dans cet axe des analyses de dispositifs existants pouvant concerner différents domaines de la vie des personnes (éducation, travail, habitat, santé, famille, parentalité, sexualité, loisirs…) susceptibles de mettre à jour des dynamiques entre protections et droits / protection et activation qui favorisent ou entravent leur émancipation, et d’en comprendre les dynamiques et les conditions de possibilité.

4. Les risques de nouvelles formes d'aliénation

Entrent dans cet axe les travaux portant sur les conséquences paradoxales des nouvelles politiques émancipatrices comme l'augmentation du recours à des mesures de contrainte, sur le plan civil (mesures de tutelle/curatelle), sanitaire (mesure de soin forcé) ou pénal (augmentation du taux d'incarcération et du nombre de personnes en situation de handicap dans les prisons).

5. Recherches participatives et émancipatrices

Entrent dans cet axe les recherches qui portent en elles une visée émancipatrice des personnes en situation de handicap, actrices de la démarche de recherche. Les analyses montreront comment elles envisagent elles-mêmes leur émancipation au travers d’expérimentations et de mobilisations collectives, de diverses formes de production artistiques… pouvant, le cas échéant, se situer au croisement des luttes, dans une perspective intersectionnelle.      

Soumission. Les propositions de communications doivent être déposées au plus tard le 31 janvier 2023 sur le site de la conférence Alter. A cette fin, il est nécessaire de créer préalablement un compte sur la plateforme Sciencesconf.org si vous n'en disposez pas encore : https://alterconf2023.sciencesconf.org/

 Les propositions de communication peuvent être introduites individuellement (20 min par exposé) ou de manière groupée sous la forme d’une sessioncomportant entre trois et quatre interventions reliées entre elles (20 min chacune). Dans ce cas, il est demandé de déposer une présentation de la session en plus des interventions elles-mêmes. Chaque proposition de communication est rédigée en anglais ou en français, selon la trame suivante : 

  • le titre de la communication ou de la session:

    • pour une communication individuelle : un résumé de la proposition de communication de 3500 caractères maximum (espaces compris), lequel doit veiller à en expliciter l’originalité, la problématique, les méthodes et résultats (selon les usages en vigueur dans la discipline) et contenir une bibliographie indicative ;

    • pour une session : un argumentaire soutenant la proposition de session de 3500 caractères maximum (espaces compris), lequel indique les noms, prénoms et appartenances institutionnelles des auteur.e.s qui la composent, ainsi que les titres des interventions concernées ; les résumés des différentes interventions formant la session sont quant à eux déposés en tant que fichiers joints à l'argumentaire, et observent les mêmes directives que les propositions de communications individuelles.
  • l’axe dans lequel s’inscrit la communication (cf. supra).
  • la langue retenue pour la communication ou la session (Français, anglais, Signes Internationaux, LSF).

La décision du Conseil scientifique sera notifiée fin février 2023, étant entendu qu’en soumettant une proposition de communication ou de session les auteur.es s’engagent à l’honorer si elle est retenue. 

Références indicatives

Bonvin, J.-M. (2008) Activation policies, new modes of governance and the issue of responsability. Social Policy and society, 23, 323-339.   https://doi.org/10.1111/ijsw.12088

Fraser, N. (2017). A Triple Movement? Parsing the Politics of Crisis after Polanyi. In: Burchardt, M., Kirn, G. (eds) Beyond Neoliberalism. Approaches to Social Inequality and Difference. Palgrave Macmillan, Cham. https://doi.org/10.1007/978-3-319-45590-7_3

Jean-Louis Genard, « Une réflexion sur l'anthropologie de la fragilité, de la vulnérabilité et de la souffrance », in Thomas Périlleux et al., Destins politiques de la souffrance, ERES « Sociologie clinique », 2009 (), p. 27-45. DOI 10.3917/eres.peril.2009.01.0027

Waddington, L., & Diller, M. (2002). Tensions and coherence in disability policy: The uneasy relationship betweensocial welfare and civil rights models of disability in American, European and international employment law.https://dredf.org/news/publications/disability-rights-law-and-policy/tensions-and-coherence-in-disability-policy/

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