Les institutions de la petite enfance face à l'orientation vers l'école : entre exigence d'autonomie accrue et exclusion des enfants en situation de handicap
Samuel Fely  1@  
1 : CEMS
École des Hautes Études en Sciences Sociales

Depuis la loi du 11 février 2005, le nombre d'élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire a connu une progression de près de 80 % en France, « cette forte croissance quantitative des élèves en situation de handicap ne s'accompagne cependant pas d'une baisse proportionnelle des effectifs de jeunes en établissements spécialisés » (Buisson-Fenet et Rey, 2018). Des études ont par ailleurs mis en avant les processus de médicalisation de l'échec scolaires (Morel 2014). Il y aurait ainsi paradoxalement un double phénomène d'émergence de nouveaux types de trouble liée à la scolarité et de reconfiguration des logiques de ségrégations des élèves en situation de handicap. Pour saisir les dynamiques à l'œuvre cette communication entend se focaliser sur les processus de ségrégations des enfants en situation de handicap en amont de l'école, au sein des institutions de la petite enfance. Il existe un manque d'informations qualitatives et quantitatives sur les enfants en situation de handicap avant 3 ans (Ruffiot, Candiago et Moriera, 2012). Comment sont traitées les spécificités des enfants en situation de handicap lors de leur orientation (ou non) vers l'école ?

La communication repose sur un travail de thèse (en cours) sur l'identification et la qualification des difficultés des enfants dans les crèches. Un travail ethnographique de 275 h a été réalisé dans 4 crèches (une crèche familiale, deux crèches ordinaires et une crèche dites inclusive, spécialisé dans l'accueil d'enfant en situation de handicap). Par ailleurs des entretiens on été mené avec les familles des enfants (n=17) et avec des professionnel.le.s de la petite enfance (n= 15). Les matériaux analysés en priorité pour la communication porteront sur des réunions au seins de crèche a propos de l'organisation du passage (ou non) des enfants vers l'école.

L'enquête montre que même si l'école est désormais obligatoire à partir de 3 ans il arrive fréquemment de que les enfants en situation de handicap n'y soient pas orientés « dans leur intérêt ». Les professionnel.le.s de la petite enfance réalisent ainsi un travail « d'accompagnement à la parentalité », qui consiste faire sortir les parents du « déni » de la situation de handicap de leur enfant et à les orienter le plus tôt possible vers des institutions spécialisées jugées plus désirables et adaptées. Dans le même temps les exigences scolaires, notamment en termes d' « autonomie » conduisent les professionnel.le.s à définir un certain nombre de comportements comme problématiques (l'acquissions du langage, de la propreté, la capacité à se « fixer » sur des activités, la gestion de ses émotions) sans pour autant les définir comme incompatibles avec l'école. On voit ainsi se profiler un double mouvement de maintien d'une ségrégation des enfants en situation de handicap et de médicalisation de troubles liée aux exigences normatives d'autonomie.

Bibliographie :

Buisson-Fenet H., Rey O., 2018, « De l'élargissement de l'accessibilité aux limites de l'inclusion : jusqu'où l'école peut-elle se recomposer ? », dans Inclure le handicap, recomposer l'école ?, Lyon, ENS Éditions (Entretiens Ferdinand Buisson).

Morel S., 2014, La médicalisation de l'échec scolaire, Paris, France, la Dispute.

Ruffiot A., Candiago P., Moreira M., 2012, « Les publics des établissements d'accueil du jeune enfant. Logiques et conditions d'accès des familles en difficulté », Revue des politiques sociales et familiales, 109, 1, p. 94‑100.


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