La participation, question de capacité ?
Loïc Andrien  1@  , Gaëlle Martin-Sisteron  2  , Membre Comité De Pilotage@
1 : CEREFIGE
Université de Lorraine, CEREFIGE, Nancy
2 : Direction Recherche Développement Qualité
FEDERATION APAJH

Introduction

Cette proposition de communication repose sur une recherche action participative ayant pour objectif le développement de la participation des usagers à la gouvernance des établissements et services qui les accompagnent. Inspirés par la philosophie pragmatiste de John Dewey, nous interrogeons la prise en compté de l'expérience des personnes en situation de handicap accompagnées par des établissements et services médico-sociaux. 

 

Méthodologie

Ce questionnement est à l'origine d'une enquête menée par une communauté d'enquête (Dewey, 1967)constituée de 3 personnes en situation de handicap, des 3 professionnels et des 2 cadres. Les membres représentent les différents établissements et services concernés par la recherche. Mais l'enquête ne s'improvise pas, elle s'apprend. Nous avons donc organisé des formations et des réunions qui ont permis à la communauté d'enquête de se préparer à observer ou à mener des entretiens. 

La communauté d'enquête se réunit une journée par mois afin d'analyser le travail produit et de préparer celui à venir. Il s'agit donc bien d'une recherche action participative car c'est une recherche avec chaque membre de la communauté, et non seulement une recherche sur eux (Heron & Reason, 2006).

 

Résultats

 Cette enquête participative a rapidement mis en évidence une croyance ou habitude pouvant expliquer les freins à la participation des usagers. Pour John Dewey, les habitudes sont les façons de penser ou d'agir, collectivement construites, qui permettent à un individu de répondre à certaines situations (1922). L'habitude mise en évidence consiste de préjuger de la capacité des personnes accompagnées avant même de tenter une quelconque participation. 

En utilisant une grille de lecture inspirée des travaux de la philosophe Joëlle Zask (2011), nous avons découvert que dans l'organisation, il n'existe quasiment pas d'espace ou de moment de contribution des usagers. L'accompagnement est essentiellement construit par les professionnels. Ce que les professionnels désignent par participation se résume principalement à des sollicitations. 

Une hypothèse explicative à ce peu d'espace de contribution dans l'organisation nous a été suggérée par plusieurs professionnels interrogés. Lors des entretiens, les membres de la communauté d'enquête ont présenté le projet de recherche. Plusieurs professionnels interrogés ont alors fait la même remarque : « C'est vraiment très bien de les faire participer. Mais on sait tous que certains n'en sont pas capables. » Selon ces professionnels, les usagers de la plateforme ne sont que des destinataires ou bénéficiaires d'un accompagnement parce qu'ils ne seraient pas capables de participer, de contribuer, d'apporter leur part au collectif.

 

Discussion

 Pointer l'incapacité potentielle des usagers c'est conditionner la participation d'une personne à une compétence et non à un droit. Cela rappelle alors le débat entre John Dewey et Walter Lippmann qui s'opposaient justement selon ces principes (Zask, 2008). Dewey défendait une démocratie radicale (Cometti, 2016) dans laquelle le public se construit à travers les problèmes qu'il rencontre, qu'il affronte collectivement. Cette recherche confirme que l'expérience de chacun, examinée à travers la méthodologie de l'enquête, devient un bien commun (Zask, 2008) même si elle se heurte à une idéologie capacitaire parfois bien ancrée dans la culture professionnelle.



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