Les objectifs d'inclusion et de participation dans l'accompagnement des personnes en situation de handicap psychique : quelles concrétisations ?
Anne Petiau  1, 2@  , Claire Heijboer, Hervé Moisan, Carmen Delavaloire@
1 : CERA-Buc Ressources
BUC Ressources
2 : LISE
Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), CNRS : UMR3320

La recherche (Petiau et al., 2021) dont nous présenterons les résultats dans cette communication, a porté sur les services d'accompagnement dans leur milieu de vie des personnes en situation de handicap psychique : les SAVS[1] et SAMSAH, créés en 2005 en France. Ceux-ci sont emblématiques des logiques émergentes depuis une vingtaine d'années dans l'action sociale et médico-sociale dans le cadre du virage inclusif (Lenzi, 2014) et de participation des usagers (Heijboer et Saint-Martin, 2021). Nous explorons dans quelle mesure ces modalités d'accompagnement social relativement nouvelles concourent aux objectifs d'autonomie de vie des personnes en situation de handicap psychique, d'inclusion dans la société, d'autodétermination. Ces services se situent à l'avant-poste de ces nouvelles valeurs et pratiques. Mais dans quelle mesure parviennent-ils vraiment à concilier protection et émancipation (Ville, 2020) ?

La recherche est menée par une équipe mixte composée de chercheur·es, de personnes concernées par le handicap psychique, de professionnel·les et de proche-aidant·es, et repose sur un dispositif méthodologique participatif combinant des entretiens semi-directifs, des observations directes, des entretiens collectifs et des groupes d'analyse réunissant les trois catégories d'acteurs, afin de permettre l'échange, la confrontation des points de vue, mais aussi la recherche de solutions concrètes aux problèmes identifiés (Delavaloire et al., 2021).

Nous relevons dans notre recherche une tension entre participation des personnes à leur accompagnement et persistance d'injustices épistémiques (Fricker, 2007) entendues comme processus de mise en doute de la parole, des savoirs et des expertises des personnes concernées par le handicap psychique. De même, notre recherche permet le constat d'une tension entre travail sur autrui et travail avec autrui (Astier, 2009). Le « travail avec autrui » impliquant une « expertise avec autrui » plutôt qu'une « expertise sur autrui » (Lima, 2013) : c'est-à-dire le partage de la délibération et du jugement sur les faits, à distance d'une évaluation qui s'impose aux personnes accompagnées et aux proches. Celle-ci s'appuie sur une hybridation des expertises que nous questionnons dans sa capacité à réduire les injustices épistémiques vécues par les personnes concernées. D'autres pratiques consistant à demander aux personnes de « faire leurs preuves », de manifester « motivations » et « projets », tendent à fragiliser les droits sociaux en introduisant de subtiles formes de conditionnalité.

Nous rendrons compte, dans cette communication, d'accompagnements incontestablement soucieux de soutenir les personnes dans leurs choix et leur milieu de vie, ainsi que d'associer les expertises usagères aux délibérations nécessaires au jugement professionnel. Mais nous montrerons aussi tous les défis et les difficultés que rencontrent ces objectifs, quelles sont les pratiques qui viennent limiter ou fragiliser le plein accès aux droits sociaux et le plein exercice des droits humains pour les personnes en situation de handicap psychique, sans oublier les leviers pour mieux atteindre ces objectifs. 

[1] Service d'accompagnement à la vie sociale ; Service d'accompagnement médico-social pour adulte handicapé.

 


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