Accueillir les personnes handicapées mentales en communauté ? Un modèle de prise en charge du handicap mental (l'Arche) face aux nouvelles épreuves de l'autonomie
Daria Zhatko  1@  
1 : Laboratoire Interdisciplinaire d'Etudes sur les Réflexivités-Fonds Yan Thomas
École des Hautes Études en Sciences Sociales, Centre National de la Recherche Scientifique

Une nouvelle politique du handicap par les droits (Revillard, 2020) a introduit des changements dans les dispositifs classiques des protections sociales, tels que les institutions de long séjour. Dorénavant, ces structures sont aussi concernées par des mesures à visée d'autonomisation des publics accueillis. L'autonomie à laquelle cette politique cherche à donner corps est pensée dans une perspective libérale comme réalisation des capacités de décider pour soi-même et d'agir d'un individu isolé.

Dans cette communication nous proposerons d'analyser l'exemple d'une organisation qui offre une prise en charge du handicap mental en « communauté », celui de la fédération l'Arche en France. Originellement, les communautés de l'Arche reposaient sur la philosophie de son fondateur Jean Vanier, qui mettait la vulnérabilité au centre de l'expérience humaine. Dans ses œuvres il cherchait à mettre en évidence l'interdépendance des relations humaines, y compris celles des assistant.e.s et des personnes handicapées mentales dans les communautés de l'Arche (Vanier 1992 ; Vanier 1995). D'après ce modèle, l'émancipation des personnes handicapées mentales devait se réaliser dans le cadre d'une vie en communauté et grâce à des relations de réciprocité entre ses membres, valides et handicapés.

Il existe donc un décalage entre le projet initial de l'Arche qui conçoit une émancipation dans et par l'intégration à la communauté de vie partagée, et la politique du handicap actuelle, qui soutient une autonomie plus individualiste, et à laquelle l'organisation doit se plier. De plus, dans les sociétés à idéologie individualiste (Dumont, 1983), même les institutions les plus holistes évoluent pour s'accommoder à l'accroissement des aspirations à l'autonomie individuelle de ses membres.

Ainsi, dans le cadre de cette communication nous tâcherons à répondre à une problématique suivante :comment le modèle de prise en charge du handicap mental en communauté (le cas de l'Arche) se transforme-t-il dans un contexte où les aspirations sociales à l'autonomie individuelle se sont accrues, et face à la mise en vigueur des politiques publiques censées la garantir et promouvoir ? 

Originalité. A partir du cas de l'Arche en France, notre communication abordera une question encore peu développée en sociologie, celle de l'autonomie des personnes porteuses d'un handicap mental résidant dans les structures d'hébergement collectif.

Méthodes. Notre communication sera basée sur trois sources principales. En premier lieu, nous traiterons des entretiens avec des assistant.e.s et des responsables de foyer de plusieurs communautés de l'Arche. En deuxième lieu, notre analyse s'appuiera sur les données ethnographiques recueillies lors de notre séjour de 6 semaines dans l'une des communautés de l'Arche. Finalement, nous mobiliserons la documentation interne de la fédération en question.

Résultats. Dans cette communication nous chercherons à mettre à l'épreuve une hypothèse selon laquelle, aujourd'hui, une conception de l'autonomie « libérale » gagne du terrain dans les communautés de l'Arche en modifiant son fonctionnement et les pratiques d'accompagnement du handicap mental en leur sein. 

 

Bibliographie indicative

Dumont, L. (1983). Essais sur l'individualisme : une perspective anthropologique sur l'idéologie moderne. Paris, Le Seuil.

Revillard, A. (2020). Des droits vulnérables: Handicap, action publique et changement social. Presses de Sciences Po.

Vanier, J. (1992). From Brokenness to Community. New York: Paulist Press.

Vanier, J. (1995). The Heart of L'Arche: A Spirituality for Every Day. London: SPCK. 

 


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