Introduction : Au cours des dernières années, un nombre croissant de chercheur.e.s en sont venu.e.s à s'intéresser aux expériences de conciliation travail-vie personnelle des personnes ayant des incapacités. Leurs études ont notamment montré comment : 1) les émotions négatives et la fatigue expérimentées dans le cadre de leur emploi (Fekete, Siegrist, Tough, & Brinkhof, 2018; Forslin, Fink, Hammar, von Koch, & Johansson, 2018) et 2) le sur-emploi, c'est-à-dire le décalage entre le nombre d'heures de travail souhaitées et le nombre d'heures de travail réalisées (Pagan, 2016), les amenaient à avoir l'impression de manquer de temps au quotidien (Pagán-Rodríguez, 2012), de même qu'avoir de la difficulté à s'occuper adéquatement de leur santé (Gignac et al., 2014) et réaliser leurs rôles familiaux (Feddersen, Kristiansen, Andersen, Horslev-Petersen, & Primdahl, 2017). Malgré l'importance de ces travaux, très rares sont ceux ayant exploré comment les interactions allant de leur vie personnelle vers leur vie professionnelle pouvaient affecter négativement leur équilibre travail-vie personnelle.

Objectif : La présente conférence explore les manières par lesquelles la nature et les caractéristiques du soutien à domicile et des moyens de déplacement employés par les travailleur.se.s ayant des incapacités pour se préparer et se rendre dans son milieu d'emploi peuvent favoriser l'émergence de conflits travail-vie personnelle.

Cadre théorique: Cette conférence, inspirée par les études critiques du handicap, s'appuie sur les concepts de chononormativités, de chronopolitiques et de temps handicapé afin d'offrir une meilleure compréhension de liens existant entre l'organisation des sociétés, les pressions temporelles vécues au quotidien et l'équilibre travail-vie personnelle des travailleurs ayant des incapacités.

Méthodologie : Douze récits de vie ont été réalisés avec des travailleur.se.s ayant des incapacités motrices sévères et très sévères résidant dans les villes de Montréal et de Québec (Canada). Les données colligées ont fait l'objet d'une catégorisation avec le logiciel NVIVO12 et une analyse thématique au moyen d'une approche inductive (Blais & Martineau, 2006; Miles, Huberman, Rispal, & Bonniol, 2003).

Résultats : Si les travailleur.se.s ayant des incapacités motrices sévères et très sévères considèrent que se préparer et se rendre au travail constituent des activités matinales chronophages, en ce qu'elles leur requièrent souvent davantage de temps que les autres, ils estiment que c'est souvent le manque de contrôle sur le moment et la durée des services de soutien à domicile et de leurs déplacements qui les amènent à se sentir pressé.e.s, avoir l'impression de manquer de temps ou craindre d'être en retard. Ces réalités ont conduit plusieurs travailleur.se.s ayant des incapacités motrices sévères et très sévères à considérer n'avoir que très peu de flexibilité au quotidien, devoir consacrer beaucoup de temps et d'énergie au développement et au maintien de routines matinales et expérimenter un niveau important de stress.

Conclusion : Cette conférence a montré que plus le niveau de structuration et d'intensité du soutien requis pour se préparer et se rendre au travail est élevé, plus les travailleur.se.s ayant des incapacités motrices sévères et très sévères auront tendance à vivre des conflits travail-vie personnelle, lesquels peuvent affecter négativement leur équilibre travail-vie personne au cours de leur carrière.