Dispositif anthropocentré pour sujets dyscommunicants avec autisme ; entre liminalité et émancipation idéelle
Cécile Lacote-Coquereau  1@  
1 : Centre de recherche en éducation de Nantes
Nantes Université - UFR Lettres et Langages

Malgré les injonctions institutionnelles (Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, 2005 ; ONU, 2007), les personnes autistes sont peu engagées dans des processus inclusifs favorisant leur expression sociétale, au cœur de la cité. Entre liminalité socio-historique et protection médico-sociale instituée, l'émancipation des sujets résidant en maison d'accueil spécialisée demeure balbutiante. Comment favoriser l'émergence de la parole des personnes avec troubles psycho-cognitifs, historiquement et structurellement marginalisées, assignées au seuil et à la marge de la société (Foucault, 1972) ? Comment s'extraire d'un habitus assujétissant la personne handicapée à une domination sociale implicite (Bourdieu, 1972) ?

Dans une approche anthropocentrée, le consortium de recherche Participe 3.0 accompagne, via des systèmes innovants de réalité virtuelle, de jeunes adultes autistes dyscommunicants vers l'accès à un habitat inclusif partagé et une autonomie progressive. Lieu et horizon d'un possible devenir citoyen, l'Habiter constitue un trait fondamental de l'être, enjeu éthique d'accessibilité et de participation citoyenne (Charlot, 2019 ; Ebersold, 2021).

D'un point de vue épistémologique, nous postulons qu'un dispositif à visée émancipatrice ne peut aboutir qu'en démarche participative (Arciniegas et al., 2018). Nous faisons l'hypothèse que l'hybridation des savoirs en expertise plurielle (Eyraud et al., 2018) nourrit interactions et habiletés sociales chez des résidents autistes, institutionnellement reconnus détenteurs de droits et acteurs du changement de leur cadre de vie (Questiaux, 2012).

Or la participation des sujets, si elle légitime éthiquement notre recherche, se révèle ici d'autant plus délicate qu'il s'agit de personnes autistes vulnérables avec troubles cognitifs, langagiers et psycho-sensoriels. Si cet état de sensibilité et de moindre résistance aux exigences du réel appelle la prévention (Alin, 2021), comment alors concilier protection et émancipation de cet Autre fragile ? Comment dépasser le mécanisme de silenciation bicéphale dont il fait l'objet (Dotson, 2011) ; silenciation endogène lorsqu'en soi, « on n'arrive plus à trouver les mots qui peuvent faire des ponts » (Wolton, 2019) ; silenciation exogène, lorsque la distanciation sociétale laisse peu de place à l'écoute de sujets mutiques ou au verbatim atypique. Comment, en alliance humaine éthique, favoriser des collaborations fructueuses « avec et pour les autres, dans des institutions justes » (Ricoeur, 1990) ?

Au coeur d'une anthropologie conjonctive, caractérisée par une fragilité ou une vulnérabilité « constitutives », tout individu doit pouvoir bénéficier de soutiens, d'appuis, de guidance... qui l'aident à recomposer ses forces, ses capacités (Genard, 2013). Ainsi la communication se propose-t-elle d'analyser les dynamiques d'un dispositif d'accompagnement en éthique relationnelle où les médiations humaines et numériques soutiennent l'expressivité de sujets autistes dyscommunicants, dans une perspective andragogique d'auto-détermination (Wehmeyer & Little, 2013).

Les résultats de l'étude exploratoire soulignent l'importance d'un environnement capacitant à la croisée d'expertises plurielles et d'étayages polymorphes, centrés sur le sujet-participant, en reconnaissance de ses fragilités mais aussi de ses capacités, de sa précieuse singularité (Bourdon, 2021) ; « tel est le visage de l'individu du continuum anthropologique contemporain » (Genard, 2009).


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