En France, 90 % des enfants sourds sont issus de parents entendants. Depuis peu, ces parents ont la possibilité de faire le choix du parcours linguistique (bilinguisme français-langue des signes ou français oral uniquement) dans lequel inscrire leur enfant. Ils ont été privés de ce droit pendant longtemps puisque la langue des signes françaises (LSF) a été proscrite en France et dans de nombreux pays par le Congrès de Milan. Il a fallu attendre les avancées législatives des années 1990 et 2000 pour que cette situation évolue. Nous avons défini cette état de fait comme une situation de « parentalité confisquée » ( Burgat 2020) ou « parentalité empêchée » ( Burgat à paraitre 2023 ).

Parallèlement, La pratique du « bébé-signe », utilisation de signes issus de la LS pour la communication entre le parent entendant et l'enfant entendant, se repand peu à peu pour jusqu'à devenir une sorte de phénomène de mode. Un très grand nombre de crèches le propose d'office dans leur projet d'établissement. D'une manière pragmatique, l'intérêt de cette pratique à titre de stimulation langagière est reconnu pour l'acquisition du langage des enfants alors même qu'ils sont entendants.

Notre communication se situe dans le champs disciplinaire des sciences du langage. Nous nous proposons de présenter dans un premier lieu les problématiques d'accès au langage chez les enfants sourds issus de parents entendants et les problématiques et paradoxes liées au bébé-signe pour les enfants entendants issus de parents entendants. Nous répondrons à la question suivante : Le « bébé-signe » présente-t-il un risque pour la communauté sourde ou au contraire présente-il une opportunité d'encapacitement pour les parents d'enfants sourds. Offre t-il des perspectives d'inclusion pour les enfants sourds ?

 En effet, nous avons fait l'hypothèse qu'une meilleure connaissance de l'objet « bébé-signe » chez l'enfant entendant peut permettre de mieux appréhender l'intérêt que pourrait avoir la langue des et le bilinguisme pour les enfants sourds.

Pour répondre à notre question, dans une premier temps nous tenterons de définir d'un point de vue linguistique ce qu'est le « bébé-signe » et de montrer en quoi il diffère de la LS. Nous expliciterons ce que l'exposition aux signes (bébé-signe ou LS) apporte à l'acquisition du langage chez l'enfant entendant et l'enfant sourd. Enfin, nous montrerons quel apport le « bébé-signe » peut avoir pour la parentalité des parents entendants d'enfants sourds et comment il peut permettre une sensibiliser les enfants entendants et leurs parents à la surdité

Pour cela, nous utiliseront deux types de données : 

- des entretiens avec des formateurs de « bébé-signe » eux-même signeurs de la LSF ou bilingues. L'analyse des données permet de définir le « bébé-signe » et de mieux en cerner la pratique et les enjeux, en particulier au regard de la LSF.- Un recueil d'entretiens semi-directifs auprès de responsables d'Etablissement d'Accueil Petite Enfance (EAPE ) travaillant l'accueil conjoint d'enfants sourds et d'enfants entendants dans des structures se voulant inclusives. L'étude, qualitative, porte sur trois structures françaises. Elle met à jour les pratiques professionnelles centrées sur l'apport en langue gestuelle pour les enfants et sur l'accompagnement à la parentalité des parents d'enfants sourds. Nous conclurons sur les enjeux sociaux et scientifiques impliqués par cette étude. Nous montrerons que cette étude peut permettre de réfléchir sur la langue des signes « au-delà des sourds » mais sans laisser les sourds de côté. Nous montrerons qu'elle permet de faire le point sur un sujet peu documenté du point de vue de la recherche scientifique -le bébé-signe-mais pourtant très représenté et visible dans la société française.